dimanche 4 avril 2010

micropolitique



CSO et dispositif figural

La psychanalyse freudienne méconnait les agencements collectifs d'énonciation. L'exemple du petit Hans est éloquent : Freud en propose de suite une interprétation familialiste, rabattant la situation sur des bouclages oedipiens. Rappelons-nous aussi la correspondance entre Freud et Jung, plus précisément le moment où ce dernier lui parle d'un rêve concernant un ossuaire, et Freud de ramener l'interprétation à la mort individuelle, incapable qu'il est de penser en termes de multiplicité. Lacan, quant à lui, est toujours tenant de la transcendance du code (du signifiant), néanmoins son intérêt pour les psychoses, son écriture comme flux schizo, font pressentir qu'à côté de l'impérialisme des signifiants-maîtres s'annoncent des zones d'indiscernabilité, à l'intersection du RSI, lorsqu'il construit son objet a en tant que réel. Déjà dans le stade du miroir, le sujet n'est pas dans la nostalgie de l'unité moïque, mais il opère par agencement de fragments (Schéma L).

La vie la plus puissante est dans le non organique, le CSO. Ce dernier s'érige sur le sujet larvaire. Le CSO est une image du corps antérieur à l'individuation, une corporéité, non pas un concept abstrait.

Le CSO n'est pas l'organisme, c'est une autre organisation du corps qui touche d'abord à l'intensité avant le sens. Face à l'oeuvre d'art, la question devient : qu'est-ce que cela intensifie et non qu'est-ce que ça représente. Le CSO est de l'ordre de la singularité, il n'est pas produit par le formatage, il faut se le fabriquer soi-même (on se rapproche du pré-individuel de Simondon). Le nain dans le Tambour de G.Grass ou la chèvre de Picasso relèvent du CSO. Dans un tableau animé par le CSO, les lignes y sont plus fortes que les formes, l'enjeu véritable du tableau étant les devenirs (non les formes) : qu'est-ce que ça intensifie en immanence ? L'artiste s'approche alors du chaos pour en ramener des nouveaux percepts. L'art trace des lignes de vie pour composer les nouveaux percepts, et cela, selon un dispositif multilinéaire fait de turbulences, de noeuds, de fulgurances, de lignes hétérogènes et méta-stables (Simondon), c'est-à- dire au bord de la stabilité, ouvrant sur des bifurcations possibles, des seuils, des chaos, des "catastrophes" (René Thom). Le CSO en littérature fait balbutier le langage (pas la parole), il tire tout le langage vers sa limite, en un devenir animal, où il "bégaie". Dans une telle perspective, ce ne sont plus les formes ni les figures qui sont en jeu , mais un figural (Lyotard). Ce dernier est ce qui hésite entre l'apparaître et le dis-paraître (une diaphanie dans l'épiphanie).

Le figural est un champ de forces non de formes. Un grand peintre dresse la cartographie du dispositif figural. La cartographie permet de mettre le dispositif pictural au clair (mais pas selon la logique du calque, qui reproduit et représente) : Vermeer, Dubuffet, Pollock sont de grands cartographes. La transparence de la cartographie donne le diagramme, au sens où "le tableau est le diagramme d'une idée" (Duchamp). Une oeuvre de Dubuffet est une texturologie, une mise en réseau, un diagramme où la visibilité et l'énonciation s'associent.

Chaque grand peintre a sa "marque de fabrique" : son invariant structural qui se repère dans le fonctionnement immanent de ses tableaux, une manière singulière de moduler le rapport entre le chaos et la matière, de compatibiliser les incoordonnables (qui fait, par exemple, qu'un tableau de Rembrandt est un homme émergeant des ténèbres et rattrapé par elles constamment).
Pour élaborer son CSO, l'artiste opère en immanence, connecté à son inconscient ; l'artiste qui tente de prendre une position de surplomb, pour "maîtriser" la situation, opère avec du préconscient (cas de Breton et de certains surréalistes), et rate le CSO.

Dans le monde1 (tribal), le diagramme aide à survivre (par la magie, les ritualisations). Dans le monde2 (Empire), le diagramme est assigné à la jouissance de la représentation (narrative et figurative). Dans le monde3 (capitalistique), le diagramme contribue à percevoir : les percepts sont un mixte de sensations et de savoir.

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